elements-geologie.net > Géologie : études et métiers > Profession : géologue
Une contribution inédite des auteurs de Éléments de Géologie (Dunod, 16e édition, 2018), à destination des futurs géologues avides de comprendre l’enjeu de leur métier.
La géologie présente aujourd’hui des facettes multiples et la profession embrasse un ensemble d’activités extrêmement variées. À la base de cette multitude de branches apparemment éloignées les unes des autres il existe un tronc commun : les sciences de la Terre. Grâce à leurs connaissances communes, les géologues contribuent très directement à la gestion et à la compréhension de notre planète. Alors que l’humanité tend à se développer le plus souvent sans se préoccuper de son « substratum », le géologue établit le lien indispensable entre la société et la Terre sur laquelle nous évoluons et bâtissons.
Qu’il s’agisse de séismes majeurs et tsunamis associés, de glissements de terrains ou d’éruptions volcaniques, l’actualité quotidienne nous rappelle combien l’homme ainsi que son environnement, sa société et son économie sont vulnérables.
Les séismes et tsunamis majeurs qui se sont produits ces dix dernières années ont rappelé à l’humanité à quel point la dynamique de notre planète est puissante. L’USGS (United States Geological survey) a recensé, depuis 2007, un nombre annuel de séismes de magnitude supérieure à 5 variant de 1500 et 2500. Des éruptions volcaniques, même de faible puissance, ont parfois des impacts économiques et sociétales majeurs. Celle d’Eyjafjöll (Islande), en 2010, a bloqué la majeure partie du trafic aérien au-dessus de l’Atlantique nord et de l’Europe pendant quelques semaines.
Dans un autre domaine, celui des ressources minérales et énergétiques, on doit évoquer les débats en cours en France sur l’évaluation des réserves en gaz de schiste et sur leur exploitation par fracturation hydraulique. En dehors des questions relatives aux dangers écologiques potentiels d’une telle exploitation, ces débats nous rappellent que des ressources en hydrocarbures sont aujourd’hui accessibles dans des roches considérées comme stériles ou du moins inexploitables il y a encore vingt ans.
Dans le même ordre d’idées, évoquons les polémiques concernant le démarrage, à l’échelle industrielle, du stockage souterrain des déchets radioactifs dans la région de Bure. Bien que quarante ans de tests et de recherches aient été menés, ce dossier nous rappelle que, dans le climat actuel de défiance envers la science et ses experts, il ne suffit pas de trouver les solutions les plus adéquates et les plus sûres, encore faut-il faire l’effort pédagogique de les rendre acceptables par la société.
Ainsi, notre quotidien nous rappelle sans cesse que la connaissance et l’enseignement de la structure et de la dynamique de la Terre sont des clés indispensables pour évaluer et anticiper les aléas, prévoir et gérer les risques, programmer et construire les aménagements et les infrastructures, exploiter les ressources naturelles conventionnelles, chercher des solutions énergétiques nouvelles basées sur des processus naturels. Derrière toutes ces rubriques, une seule profession : celle de GÉOLOGUE.
Le géologue est présent dans un grand nombre d’activités que l’on peut classer ainsi :
1. L’aménagement, le génie-civil. Dès que le sous-sol est concerné, le géologue est là. Il estime la qualité du sous-sol pour fonder une construction, pour les opérations de déblais-remblais dans le cadre du traçage de voies de communications (rails, route, eau…). Il fore, il carotte, il fait des mesures des propriétés physiques (scissomètres, diagraphies et autres méthodes de la géophysique de subsurface). Il établit des profils de stabilité de talus, de pourcentages de tassement, etc.
2. Les ressources énergétiques. Le géologue est bien évidemment la cheville ouvrière basale dans la recherche du charbon, du pétrole et de l’uranium et de site d’exploitation pour la géothermie. Mais là encore, c’est la diversité des métiers au sein d’une compagnie qui doit être soulignée : sédimentologistes, structuralistes, micropaléontologues, spécialistes de la matière organique, géophysiciens, modélisateurs numériques, diagraphistes, géochimistes interfèrent étroitement pour rechercher les sites potentiels (réservoir, roches mères...).
3. Les ressources minérales naturelles, ressources en eau et les déchets. Le géologue est un chercheur de gisement. Pour cela, il doit être à la fois cartographe, structuraliste, pétrographe, minéralogiste et géochimiste. Son expertise, tant pour les minerais que pour les pierres précieuses, est recherchée par les compagnies, les banques et les États.
Outre la maîtrise de compétences purement géologiques, le géologue minier est aussi économiste, voire financier. La valeur d’un gisement potentiel ne dépend pas seulement de la qualité du minerai, mais aussi de sa valeur à l’instant donné sur un marché international. Dans ces métiers de la mine, la notion de rendement est primordiale et l’emprise avec le monde de la finance internationale ne peut être ignorée.
Notre société oublie trop facilement que l’eau potable est une denrée rare et précieuse, qui doit être protégée. Le géologue joue là-aussi un rôle majeur au niveau de la compréhension, de la recherche, de l’exploitation et de la protection des aquifères.
Aujourd’hui, à la suite d’une surexploitation de certains éléments, les minerais sont concentrés dans les objets manufacturés qui constituent les nouveaux gisements. Le géologue explore non plus la Terre seule, mais aussi les produits et déchets accumulés ces 50 dernières années et, en s’appuyant sur ses connaissances géochimiques par exemple, il étudie la façon de la valoriser.
4. Gestion des risques. Risques volcaniques, sismiques, glissements de terrains, inondations et tsunamis : le géologue évalue l’aléa et, en concertation avec des mécaniciens, des architectes et des urbanistes, identifie et cartographie les zones à risques. Un très fort intérêt s’est dégagé ces dernières années pour les risques côtiers et pour la gestion du trait de côte dans le cadre de la remontée du niveau marin. Le littoral de la France est particulièrement vulnérable et la catastrophe de La Faute-sur-Mer liée à la tempête Xinthia fin février 2010 a profondément marqué notre société qui attend à la fois une meilleure compréhension des aléas et une gestion rigoureuse des risques côtiers. Il en est de même pour tous les milieux à hauts risques naturels : montagnes et volcans notamment.
5. La recherche fondamentale et l’enseignement. La recherche en France se déroule au sein des universités, des grands organismes de recherche (CNRS, CEA, IRD, IFREMER, BRGM, IFP) mais aussi dans l’industrie (compagnies pétrolières et minières) où les géologues participent à une meilleure compréhension du système Terre. S’il est vrai que l’on connaît de mieux en mieux l’évolution de la lithosphère en raison de son accessibilité, de très nombreux processus géodynamiques fondamentaux demandent à être mieux compris et imagés : la convection du manteau, l’origine du champ magnétique terrestre, l’hydrothermalisme, les changements climatiques à différentes échelles de temps, l’origine de la vie, la formation du système solaire, etc. Le géologue participe aussi à l’évolution des idées sur les théories de l’évolution et sur l’origine de la lignée humaine en apportant le cadre des paléoenvironnements et des climats et en posant les contraintes temporelles.
En parallèle de la recherche, les connaissances doivent être transmises et la géologie est enseignée à tous les niveaux depuis le collège jusqu’à l’université, en passant par le lycée, les classes préparatoires et dans certaines grandes écoles. Le géologue joue donc un rôle important dans la formation des professeurs de SVT (Sciences de la Vie et de la Terre) au niveau des cursus de préparation des concours du CAPES et de l’Agrégation SVT.
Enfin, compte-tenu des enjeux sociétaux et des débats qu’ils suscitent, la vulgarisation scientifique en géosciences, l’affirmation que la science fait aussi partie de la culture et la mise a disposition de faits objectifs pour l’information citoyenne sont aussi des défis que doit relever le géologue. En ce sens, l’enseignant-géologue, en étant le garant de la démarche scientifique, permet de contenir les dérives de la contestation systématique des messages délivrés par les grandes institutions de recherche, lorsque cette contestation est non fondée.
6. Les activités aux frontières de la discipline. Le géologue est aussi un partenaire pour de nombreuses disciplines frontières auxquelles il amène la dimension temporelle de son expertise en fournissant notamment des analogues naturels anciens pour des situations que pourrait connaître à l’avenir la planète Terre. On peut citer la climatologie, l’écologie, la pédologie, la nivologie, la biogéochimie (biominéralisation, origine de la vie) et enfin l’astronomie (planétologie et étude des météorites). Enfin, l’expertise du géologue est aussi partie prenante de domaines auxquels on pense moins, comme l’œnologie ou l’archéologie. La qualité du vin résulte de la combinaison de quatre facteurs : le terroir – la géologie définit souvent l’extension de l’appellation –, le cépage, le climat et le savoir-faire du vigneron. En archéologie, l’expertise du géologue, en permettant de retrouver l’origine des matériaux (marbres, pierres de construction, pigments), conduit à la reconstitution des échanges et des circuits marchands entre les populations et assure la qualité de la restauration des œuvres d’art. Enfin, le savoir-faire du géochimiste est maintenant recherché dans des applications médicales (rôles biologiques d’atomes classiquement analysés en sciences de la Terre) et, plus généralement, dans la géobiologie (étude des interactions entre les processus contrôlés par le vivant et ceux contrôlés par les phénomènes abiotiques).
Le lecteur intéressé par les différentes facettes du métier de géologue pourra consulter avec grand profit le numéro spécial de Géologues, la revue officielle de l’Union française des géologues (n° 164, mars 2010 : Evolution des métiers et des pratiques dans les géosciences appliquées). Ce dossier, bien que relativement ancien, reste d’actualité et sera complété avec profit par le numéro 190 (septembre 2016, 130 p.) de la même revue, qui analyse les rapports entre l’évolution de la profession et les formations.
© Dunod Éditeur, 2018.
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